Si Auschwitz incarne à bien des égards la destruction des juifs d’Europe, la Shoah emprunta parfois à l’Est d’autres chemins que symbolise le massacre de Babi Yar. L’ouvrage d’Antonella Salomoni rappelle cette évidence, en distinguant les deux registres que représentent l’histoire et la mémoire. Sur le terrain des faits, le livre apporte peu à la connaissance, bien qu’il rappelle l’indicible cruauté que manifestèrent les bourreaux. La partie dédiée à la mémoire propose en revanche des apports plus consistants.
L’URSS, pendant comme après la guerre, nia la singularité de l’extermination nazie qui ne correspondait en rien au dogme stalinien. Certes, Moscou encouragea dès l’automne 1941 la création d’un Comité antifasciste juif, destiné à éclairer tant la population soviétique que l’opinion publique internationale des crimes perpétrés par les nazis. De même, l’anéantissement des communautés provoqua un réveil identitaire que le pouvoir toléra un temps en acceptant par exemple le développement d’une vie culturelle juive. Les autorités, enfin, encouragèrent la confection d’un livre noir, afin de collecter les preuves des massacres hitlériens dans la perspective des jugements à venir. Mais cette ouverture - modérée - ne dura guère. Les autorités s’alarmèrent de l’engouement que suscita la création d’Israël : la visite de Golda Meir à Moscou, en 1948, provoqua un enthousiasme dont le pouvoir n’avait en rien anticipé la ferveur ; de plus, des dizaines de juifs demandèrent à lutter, c