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Libération
Critique

Des voix en Rohe

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Le cahier Livres de Libédossier
Trio. «Un peuple en petit», en guerre, en exil et au plafond.
publié le 8 janvier 2009 à 6h51
(mis à jour le 8 janvier 2009 à 6h51)

C’est un peu comme entrer en soi - le contraire de rentrer chez soi. Il y a des arbres et des embûches, c’est la forêt des signes. On cherche, dehors, à tâtons de son être. Des sentiers qui se croisent sans qu’on sache vraiment si.

Ce sont trois voix, trois personnages, qui sont aussi les trois âges de l’humanité. On peut les habiter, non parce qu’ils seraient vides ou usinés, mais parce que leurs accents sont personnels et sans lyrisme. Comme si Rohe s’était scindé en trois (son passé sublimé, son présent chambré, un avenir apotropaïque) pour raconter la vie de tout le monde, «un peuple en petit», avec assez de marge pour que le lecteur se questionne et se projette, dialogue avec lui-même à l’occasion des personnages, devienne leur double et leur ami.

Nymphette. Ce peuple est donc : un enfant, dans un pays en guerre où les horreurs succèdent aux posters de Maradona ; un citadin, peut-être nommé Heinrich, fan de son plafond et de dictionnaires, se prenant en outre pour l'alter ego de son voisin Serge ; enfin un acteur allemand vieillissant, Karl, qui s'apprête à triompher sur scène dans Mort d'un commis voyageur. Le récit du premier est balisé par des dates, du 3 janvier 1979 au 5 février 1989 ; le second s'appelle «Personnage Deux» ; et le troisième n'est indiqué que comme «Bochum», du nom de la ville où se déroulent les répétitions.

Normalement, banalement, ces trois narrations pourraient finir par nouer une intrigue reposante, psychologisante, éventuellement