Que reste-t-il d’un grand critique devenu petit homme ? Pas grand-chose. Le critique, c’est un foie et une lampe : il filtre l’œuvre, parfois il l’éclaire, ensuite le sang coule et la bougie fond. Quant à l’homme, on l’enterre et tant mieux.
Que reste-t-il de Ramon Fernandez ? De l'un des piliers de la première Nouvelle Revue française (NRF) et des décades intellectuelles de Pontigny, où une élite d'écrivains et de philosophes faisait circuler et rêver l'esprit ? De l'homme de 30 ans disant à sa future femme qu'il avait lu cinq fois tout Balzac ? Du fils de diplomate mexicain, danseur de tango et conducteur de Bugatti, amant de duchesses à mécénat et jeune visiteur de Proust, passeur de Meredith et de George Eliot, ami de Jean Prévost et de Saint-Exupéry, analyste exigeant et gominé du fait littéraire, prix Femina 1932 pour un roman oublié ? De celui dont Martin du Gard écrivait : «C'est un malheur que vous soyez si intelligent» ? Du personnage qui, aimant «les trains qui partent et les combattants qui gagnent», finit par abattre cette intelligence sous le vent du populisme de Jacques Doriot, ancien communiste devenu leader fasciste du PPF, et de la Collaboration ?
Qu’en reste-t-il ? D’abord, quelques livres réussis que plus personne ne lit, sur Molière, sur Balzac et sur Proust. Puis des articles que Gide trouvait remarquables mais qui ne le semblent plus, sans erreur de choix mais sans bonheur de style, précis mais abstraits, réfléchis mai