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Libération

Haine peignée

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publié le 22 janvier 2009 à 11h17
(mis à jour le 22 janvier 2009 à 11h17)

Ainsi que Félix Potin l'a établi en 1846, la haine est un sentiment aussi déraisonnable que l'amour. Pas de bornes, pas de nuances, ni même de points-bonus à découper sur l'emballage. La haine véritable ne peut faire tomber sur le papier qu'injures et diffamation, jamais une bonne littérature. Aussi est-on surpris de voir, dans un ouvrage paru ce mois-ci sous le titre Une histoire des haines d'écrivains, de Chateaubriand à Proust (Flammarion), deux agrégés de lettres écrire des horreurs comme : «La haine fait partie intégrante de la condition littéraire» ou même : «La haine est au fondement de la création littéraire.»

L'intitulé de la monographie d'Anne Boquel et Etienne Kern est une tromperie sur la marchandise ; il eût fallu imprimer : Anthologie des vacheries dans les milieux littéraires du XIXsiècle, car c'est de cela qu'il s'agit. Du ressentiment, de la jalousie, de l'inimitié, oui, mais de la haine, très peu. Autre étrangeté : l'auteur le plus cité est Victor Hugo. Or voilà bien un homme qui n'a jamais haï vraiment, sauf peut-être pendant dix minutes vers l'âge de 20 ans. Comment pourrait-on abhorrer des gens qui ne vous arrivent pas à l'épaule, fût-ce Napoléon III ? Le livre de nos agrégés a toutefois ses qualités puisqu'il permettra l'économie de laborieuses recherches Google au moment de pêcher quelque phrase (ça peut servir pour le bac français) montrant à quel point le mépris aiguise les plumes. Flaubert sur Musset :