Ça consiste en quoi, une vie de philosophe ? Peut-être en ceci : devant le public du Collège de France, suivre une intuition, une force qui vous tire, une question qui vous appelle : «Qu'est-ce que dire la vérité ?» Se saisir d'une notion grecque, la parrêsia, qui signifie justement «le dire vrai», «le franc-parler», et, chaque mercredi matin, pendant trois mois, malgré la maladie, en étudier la signification dans la philosophie antique. Alors que la maladie menace, passer d'un texte à l'autre, se laisser porter par le mouvement même de la recherche, quitte à ce que les cours soient «un petit peu décousus», comme annoncé d'entrée de jeu. Et, de proche en proche, dans cette enquête philosophique serrée, en arriver justement au thème de la «vie philosophique». Une question éminemment intime, subjective, à rebours de la caricature réduisant Foucault à la «mort du sujet».
Longtemps, Michel Foucault s'est défini comme historien des idées, comme archéologue des savoirs. De l'Histoire de la folie à celle de la sexualité, sa démarche est une critique méthodique des savoirs qui se prétendent «discours de vérité» pour masquer qu'ils sont d'abord des discours de pouvoir : le savoir scientifique, le savoir médical, le droit… A tel point que, dans un essai paru l'année dernière, Paul Veyne, qui fut son grand ami intellectuel, le présente en penseur «sceptique» (1). Le moins que l'on puisse dire, c'est que son travail sur la parrêsi