Si on se demandait ce qu'est une «pure langue», sans doute attendrait-on longtemps la réponse, ne voyant pas d'emblée de quelles impuretés - son histoire, son étymologie, son usage ou son mésusage ? - la langue pourrait se défaire pour être pure. Dans la Tâche du traducteur, un court texte de 1921 conçu comme prologue à sa traduction des Tableaux parisiens de Baudelaire, Walter Benjamin définit la «pure langue», die reine Sprache, comme ce que chaque langue veut dire mais que seule la totalité des vouloir-dire de toutes les langues atteint, ou encore comme «prose du monde messianique». Etrangères, les langues s'excluent, mais, à un autre niveau, s'additionnent, se «complètent mutuellement» : lorsque, dans leur totalité, elles le font, apparaît la «pure langue». Dans la mesure où elle est à chaque fois union de langues, transport bijectif d'une langue à l'autre, accueil, «mariage», c'est donc la traduction qui, à terme, en est la représentation, ou, pour reprendre une métaphore benjaminienne, reconstitue le «grand vase brisé» de la pure langue. Si pour Mallarmé la langue pure de la poésie «rachète» le «défaut des langues» (leur multiplicité), pour Benjamin, la pure langue issue de la traduction est la «résolution» de ce défaut.
Arbre.La Tâche du traducteur est un texte aussi fascinant qu'énigmatique, une sorte de «crypte» dans laquelle «l'es