Comment distingue-t-on un peintre romantique d'un impressionniste béat ? Le premier mange les enfants et les viole (Goya, Füssli), le second les peint au berceau ou au bord des guinguettes (Renoir, Morisot) pour on ne sait quel usage inavoué. C'est la première option que choisit le seul album qu'on attendait vraiment en 2008 ; et qui est aussi probablement le seul dont on gardera une trace mémorielle : Pinocchio, opus quintum de Winshluss, co-père de Monsieur Ferraille, en 2001 avec Cizo, visionnaire de Smart Monkey, William Blake de Super Negra et à peu près uniquement connu du grand public pour sa coréalisation, avec Marjane Satrapi, du film Persepolis sous son vrai nom, Vincent Paronnaud.
Désenchantement. La couverture fait volontiers «coffee table book» à la Chris Ware, mais avec quelque chose de pourri au royaume de l'imaginaire : graphie gothique en flammes pour le titre, fleurs de fer côtoyant des symboles monétaires, âmes en forme de spermatozoïdes s'échappant d'un rouage monstrueux. A l'intérieur, beau papier et fort chef-d'œuvre - mot dont on est assez radin dans ces pages pour que, quand on l'utilise, il veuille encore dire quelque chose. En massacrant le côté bien-pensant des œuvres de littérature jeunesse (Monsieur Ferraille était déjà un ravage dans les sales non-dits de la BD usinée), Winshluss claironne la désillusion et le désenchantement en couleurs guillerettes. C'est un adulte qui se penche sur les mensonges dont on a nourri son