Il y a dans Eros mélancolique, écrit par Jacques Roubaud, né en 1932, et Anne F. Garréta, de trente ans plus jeune, tous les ingrédients du roman classique. Anne Garréta raconte dans sa préface, seule partie du texte nommément attribuée à l'un des deux auteurs, comment, à la suite d'un dialogue sur Internet avec Jacques Roubaud, ils entrent en possession de cet «Eros mélancolique», récit d'un certain Clifford, dont Goodman est le héros. L'ambition de Goodman, étudiant chimiste écossais à Paris dans les années 60, est de trouver une sorte de mode d'emploi photographique de la vie. Cette quête n'est certes pas qu'abstraite et une voisine épouvantable, une pharmacienne bienveillante et une concierge énergique sont des personnages importants du roman, où l'humour a une belle part. Les souvenirs de Goodman évoquent également des vacances dans les îles anglo-normandes et un soir de l'Occupation où, encore enfant, il comprit à 11 heures du soir que sa mère ne reviendrait plus jamais. La vingt-troisième heure est désormais «l'heure noire» qui ne peut pas ne pas être remarquée dans son travail photographique, où elle bénéficie d'une exonération dans la découpe horaire de la journée et de la semaine. Une inconnue nue apparaît aussi à Goodman, qui en tirera moins de satisfactions qu'espéré, récoltant ce titre adéquat d'Eros mélancolique. Le roman est l'histoire d'un renoncement.
Mais Jacques Roubaud et Anne Garréta sont membres de l'Oulipo (lui, depuis 1966, e