Quatre décennies plus tard, le gauchisme de l'après-68 reste un remords. Un souvenir qui ne parvient pas à se figer dans l'histoire. Remords de quoi ? Pas d'un militantisme qui, à l'époque même, n'avait déjà plus grand sens. Plutôt remords d'un absolu à portée de main et qu'on n'aurait pas su saisir. Regret acide d'un accès immédiat à la Politique, à la Révolution : le présent, alors, décidait du cours des événements, il était «arrogant»,dit Jean-Claude Milner. Tel est le cœur de son propos : dans l'histoire du rapport de l'individu au monde, le gauchisme a constitué le moment singulier où le monde était à portée de main grâce à la politique. En ce sens, si microscopique qu'elle fût numériquement, l'expérience gauchiste constitue bel et bien un objet philosophique, à penser en tant que tel.
Dissolution. Troisième partie d'une réflexion entamée avec les Penchants criminels de l'Europe (Verdier, 2004) et poursuivi par le Juif de Savoir (Grasset, 2006) - et dont le fil conducteur est la question du «nom juif» en Europe - l'Arrogance du présent commence par ces mots : «Je voudrais parler du gauchisme tel que j'y ai adhéré de l'hiver 1968 à l'été 1971.» Le gauchisme de Milner est celui de la Gauche prolétarienne (GP), figure de proue du «maoïsme de langue française» qui sut, durant sa brève existence, agréger plusieurs symboles de l'ébullition de ces années : Althusser, Sartre, Foucault, Billancourt, B