En 2000, dans une Afrique australe décimée par le sida, le président sud-africain Thabo Mbeki affirmait que cette maladie n’était ni liée au VIH, ni cause essentielle de mortalité. Plus récemment, ce fut sa ministre de la Santé qui proposa, au lieu d’antiviraux, un traitement à base de betterave, d’huile d’olive et de citron. Ces fantaisies thérapeutiques masquaient à peine l’idée selon laquelle des Africains devenus libres se devaient de mépriser le virus, dont une imagination paranoïaque faisait volontiers une diabolique invention des Blancs. Le problème est que les Africains n’ont guère les moyens d’être libres et qu’ils meurent, en effet, du sida. Les femmes et les enfants d’abord, victimes de leurs pratiques machistes, de l’ineptie de leurs élites, de l’indifférence des autres.
Avidité. Le nouveau roman d'Henning Mankell, publié en Suède en 2005, prend appui sur le constat d'un continent où, comme le dit un personnage : «Nous savons tout de la façon de mourir des Africains, et rien de leur façon de vivre.» On retrouve l'indignation sociale et géopolitique propre à ce romancier, chantre policier de l'humanisme angoissé. Ses histoires portent avec un sens éprouvé de la construction son dégoût de l'avidité et de l'égoïsme capitaliste, son combat pour une humanité salubre, altruiste et éduquée. L'abandon romanesque du héros qui l'a rendu célèbre, le diabétique et solitaire inspecteur Wallander, ne l'a fait renoncer ni à son style, à la fois lent et rapid