«Pour moi, la photo la plus forte, je ne sais pas pourquoi, est celle de ces deux hommes accroupis devant un feu en Calabre. J'ai écrit sur cette photo un poème intitulé Far Away ("Dans le lointain", in Ecrits des blessures). Avec Jean Mohr, nous voulions faire quelque chose sur les travailleurs immigrés en Europe. A sa sortie en Angleterre, en 1975, ce livre a été plutôt ignoré, mais, depuis, il a été traduit dans plusieurs langues, y compris le penjabi. Il y a vingt-cinq ans, je suis tombé sur sa version turque en visitant un bidonville d'Istanbul. J'ai déjà dit que, si on devait me juger sur un seul livre, ce serait celui-là.
«A toutes les époques, il y a des zones de l'expérience humaine qui sont ignorées par la littérature. Et puis, à un moment, elles y entrent. Un exemple parfait, c'est la qualité particulière de sensualité quotidienne qui entre dans la littérature avec Ulysse de Joyce. Dans le Septième Homme, on a mis des histoires qui n'étaient pas dans les livres. C'est peut-être pour ça que celui-ci est très étrange : on y trouve des explications économiques, de la poésie, des diagrammes, des récits, des dialogues, et des photos bien sûr. Je voudrais être jugé sur ce livre parce que j'y ai fait entrer une expérience qui n'y avait jamais été, en tout cas j'ai essayé. Je ne sais si j'ai réussi ou non. Mais ce livre a été lu par certains des immigrés dont nous parlons, et c'est important.
«Notre but, en faisant ce livre, n’était pas d