(De nos archives). Alors que l'écrivain vient d'obtenir le prix Goncourt 2015 pour Boussole, nous republions ce portrait de lui, paru en 2009.
«Votre souvenir le plus fort de Mathias Enard ? - Je me rappelle la fois où il m'a donné un coup de poing et où j'ai fini au sol. On venait de sortir du troisième bar et je lui avais dit qu'il pouvait le faire. Je ne me rappelle pas pour quelle éthylique raison. Je me suis relevé et on est passé au quatrième bar. - Il vous a déjà fait découvrir une musique ? - On n'aime pas la même musique, on n'en parle plus.» On a souvent les amis qu'on mérite et des amis qui vous ressemblent. L'écrivain catalan Robert Juan-Cantavella est drôle et direct. Son ami Mathias Enard, 37 ans, est romancier et auteur d'un délicieux «essai comique sur le terrorisme».
Quand on le rencontre, Mathias Enard laisse une impression double, un mélange de juvénilité et de sagesse. Il est sociable et intimidant, massif et léger, il a un côté force de la nature, le genre qui tient le choc dans les soirées arrosées aussi bien que dans les longs voyages en car. Zone, publié à l'automne 2008, est son troisième roman. Des mois avant la sortie, on entendait parler d'un livre de 500 pages en une seule phrase (ce n'est pas tout à fait exact), de 24 chapitres comme les 24 chants de l'Iliade (c'est vrai), bref, le phénomène éditorial de la saison. En fait, le roman et son auteur sont bien plus intéressants que ça. A travers le monolo