Menu
Libération
Critique

L’étoffe des hérons

Article réservé aux abonnés
Amérique. Le périple de Harrison, la nature selon Bass et la guerre vue par Percy.
par Catherine LEPRONT
publié le 12 mars 2009 à 6h54

Sa chienne meurt, sa femme le quitte et vend la ferme sur laquelle il a travaillé vingt-cinq ans. La soixantaine ratiboisée, Cliff découvre qu'«on ne peut assurer la cohésion du monde». C'est avec un puzzle des Etats-Unis que Jim Harrison le lance sur la route. Et détourne les lois du genre : l'odyssée de Cliff est aussi peu homérique qu'attendue, ce n'est pas une boucle géographique que boucle le vieux narrateur. A peine a-t-il goûté à la splendeur du Mississippi, évoqué ses auteurs aimés, Thoreau, Faulkner, Emerson, ou les belles figures de ses parents, celle, poignante, de son frère Teddy, et Cliff commet une erreur. Toujours la même : il croit que ce qui a été sera, et s'adjoint Marybelle, autrefois une «merveille exotique», qui lui apparaît après des années comme le «printemps personnifié».

Elle l'excite, d'abord, magnifiquement. Puis l'éreinte, et même l'esquinte, autant que la bouffe industrielle. Et non seulement s'avère aussi mythomane et cinglée du téléphone portable que sa femme s'est révélée cupide, mais le rend aveugle à la beauté. Avec elle, il assouvit un appétit sexuel tout autant naturel que conditionné par la publicité. Il jouit - le verbe est cru et vrai -, mais, d'humeur maussade, promène un œil morne sur les paysages, ironise, acerbe, sur la devise du Nebraska, «l'Egalité devant la Loi», «principe qui n'a jamais été appliqué nulle part», tempête contre Bush, «énième version de tous les Custer qui ont souillé notre His