Michel Foucault a rappelé, dans Surveiller et Punir (1975), l'ingénieux dispositif imaginé par le philosophe anglais Jeremy Bentham à la fin du XVIIIe siècle. Le panopticon permet à un individu, dans une tour centrale, d'observer sans répit tous les prisonniers enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour. Le philosophe transcendait alors la fonctionnalité carcérale pour l'élargir à toute société disciplinaire. L'écrivain Philip K. Dick a imaginé, dans sa nouvelle Minority Report , située en 2054, que la justice pouvait arrêter les assassins avant leur passage à l'acte grâce à des extralucides capables de prédire les meurtres à venir. La surveillance doublée d'une prémonition du comportement humain…
Les deux idées traversent l’essai de l’artiste et écrivain Eric Sadin, organisateur d’un colloque sur ce thème en avril dernier au Palais de Tokyo, «la Globale Paranoïa». A son sens, l’humanité fonce aujourd’hui vers ce point de convergence extrême : être vu dans l’espace et dans le temps - y compris virtuellement - et être anticipé, soupesé, envisagé comme un coupable ou un pigeon potentiel.
Maillage. La surveillance est immanente aux Etats soucieux de tenir leurs populations. «L'histoire de la surveillance remonte à des temps très lointains, elle apparaît indissociable des rapports de force qui peuvent s'établir entre nations, pouvoirs, individus», écrit Eric Sadin. Mais elle n'a jamais été aussi aiguisée, bénéfic