Il y a une dizaine d'années, sollicité par le correspondant de Libération à Jérusalem, le père s'était refusé à l'exercice du portrait, en alléguant de son allure de juif orthodoxe : «Vous me voyez, comme ça, en photo, dans le journal que j'ai pratiquement créé ?» Le fils, lui, n'a pas hésité. Ce portrait, il le désirait : «Il a envie de se faire connaître», dit son ami le philosophe Gilles Hanus. René Lévy est le fils de Benny Lévy, figure de proue de la Gauche prolétarienne (GP), mouvement gauchiste qui, à défaut de révolution, enfanta Libération. Comme son père, René étudie les textes juifs. «Ma profession ? Dites que je suis talmudiste.» Mais lui n'a jamais renoncé à la France, ni à la «vision politique du monde», comme son père. Au contraire : sans savoir encore où cela le mènera, on le sent pressé de descendre dans l'arène.
Dans la famille des «fils de», voici un exemplaire pas banal : le rejeton du révolutionnaire qui prononça en 1973 la dissolution de la GP et ne cessa, par la suite, d'aller «de Mao à Moïse». L'année dernière, Virginie Linhardt, dont le père fut aussi un leader de la GP, a popularisé le thème des enfants de gauchistes devenus maniaquement conformistes pour compenser le chaos de leur éducation. René Lévy ne s'y reconnaît pas : «De la période agitée, je n'ai gardé que des souvenirs lumineux. Sartre venait à la maison, je me souviens de Lip, du Larzac, des grandes réunions l'été. L'enfant