La mort, bien sûr, est souvent un acte politique. Celles du roi, du martyr ou du tyran (mais aussi celle du président) ont toujours suscité de complexes mises en scènes, utilisées ou dénoncées à des fins partisanes. Mais il fut un temps, aujourd'hui oublié, où une véritable «culture politique» se noua autour du deuil, un temps où les funérailles étaient une arme et «où les cadavres symbolisaient avec force les engagements et les combats de chacun». Emmanuel Fureix, dans un livre d'une belle érudition, nous invite à plonger au cœur de ce moment - les premières décennies du XIXe siècle - pour envisager autrement «l'histoire politique de l'âge romantique».
Un tel rôle donné à la mort ne peut se comprendre hors des bouleversements de ces années charnières. L'époque est à la nécrophilie. Dans les amphithéâtres, on dissèque à tout va selon les normes de la nouvelle médecine anatomo-clinique. Le romantisme exalte le pouvoir des défunts, le roman noir célèbre la poésie des tombeaux et Chateaubriand «la vertu sociale du cadavre». L'impact de la Révolution est surtout décisif : la guillotine, les charniers de Picpus ou de la Madeleine ont distillé une véritable esthétique de l'effroi. A cette fascination morbide s'ajoute le désir d'une comptabilité exhaustive des victimes. Tout ceci s'accompagne de nouvelles sensibilités qui témoignent d'un respect accru à l'égard du corps mort et du besoin d'autres formes de sacralité.
«Martyrs». L'usage po