Elle est «fille de joie», la connaissance. Inquiète, «ignorante et naïve», ni complète ni autoritaire, «toujours à l'épreuve, changeante et patiente, légère et mobile, perdue souvent, toujours éperdue, passionnée jusqu'à la folie, résignée à des intuitions étrangères et à ne jamais savourer de victoire», elle fait de ses cueillettes dans les champs ou de ses plongées autant d'occasions d'une «liesse quasi religieuse» ou d'un ravissement d'enfant. Michel Serres, lui, est poisson. Son nom renverrait aux griffes de l'aigle ou du vautour. Adolescent, les scouts l'avaient «affublé du totem, personnel, de Renard enthousiaste», et il a appartenu «de longues années à la patrouille des Tigres». Mais, c'est sûr, il est bien un poisson. Sa vie aquatique a mal commencé d'ailleurs. «Mon père marinier ne savait pas nager ; ni le dragueur ni son arpète, encore moins le batelier qui déchargeait le gravier des sablières, ni le grutier.» Le jeudi après-midi - c'était le temps où les jeudis étaient vacances pour les écoliers - il apprend, lui, la brasse - «pendu au ventre par une corde à des potences sur le quai», et «en profite pour se noyer».«Comme j'étais né noir asphyxié, trois tours de cordon serrant mon cou, je naquis une seconde fois», par bouche-à-bouche. Il renaît ablette, carpe ou peut-être goujon. Avec son frère et d'autres polissons, ils vont «moins en bande qu'en banc» plong
Critique
Entre mers et Serres
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par Robert Maggiori
publié le 30 avril 2009 à 6h51
(mis à jour le 30 avril 2009 à 6h51)
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