Menu
Libération
Critique

Le Galicien de Hollywood

Article réservé aux abonnés
Préférence. De «Nosferatu» aux «Bourreaux meurent aussi», de la boulange au bordel, les mémoires d’Alexander Granach, comédien juif exilé aux Etats-Unis.
publié le 30 avril 2009 à 6h51

Comment Isaïe fut la conséquence d'une nuit d'amour de ses parents partis pour divorcer. Comment «un petit lutin édenté de troisième catégorie» ayant pris possession de lui, la sorcière accoucheuse mit au four un pain rempli de soufre et alla suspendre la couronne à une croix de pierre à la sortie du village. Le chien du voisin mangea le pain, si bien qu'on la jeta en prison pour l'avoir tué, et le bébé agité ne s'en porta pas plus mal. Ainsi commence, par des contes, la vie de l'acteur Alexander Granach, né Isaïe en 1890 en Galicie orientale.

Brecht, qui avait été accueilli été 1941 à Los Angeles par Granach, exilé depuis 1933 (via l'URSS et les geôles staliniennes), n'aimait pas les souvenirs galiciens de son ami. Il les trouvait trop beaux pour être vrais. Mais Granach, dont la route avait été si longue et difficile, et qui avait si souvent fugué malgré l'amour qu'il portait à son père, était fidèle. Il n'avait eu de cesse de voir «le vaste monde», et pourtant ne voulait pas oublier d'où il venait. Un peu comme l'autre célébrité locale, l'écrivain Soma Morgenstern, son contemporain, dont Etincelles dans l'abîme (éditions Liana Levi) évoque les temps révolus.

Gelé.Lorsqu'Alexander Granach revient dans son village natal en 1917, à la fin de ses mémoires, il note : «L'armée tsariste avait appris à la population galicienne comment on organise des pogroms.» Dans son enfance, les liens étaient nombreux avec les chrétiens. La sœur, Rachel, sortai