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Libération
Critique

Lorsque Sàndor s’éveille

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Métempsycose. Alain Fleischer prête sa vie à son oncle déporté.
publié le 30 avril 2009 à 6h51

Il y a d'abord une collection chez Fayard, «Alter ego», qui fait obligation aux écrivains sollicités de se plier au jeu de l'autobiographie de quelqu'un d'autre. Puis il y a l'interprétation de cette contrainte par Alain Fleischer : «Il s'agit moins de s'identifier à la vie d'un autre que d'identifier en soi-même une autre vie possible.» Pour cela, Fleischer choisit de vivre de l'intérieur les dernières heures de Sàndor Fleischer, son propre oncle, mort dans un wagon de la déportation à l'âge de 27 ans. Alain Fleischer n'avait que trois mois et avait failli s'appeler Sàndor : «Moi, Sàndor F., né à Budapest en 1917, j'ai vécu dans un monde plein et complet, que j'imagine harmonieux, avec des frères et une sœur, des parents et des grands-parents, des oncles et des tantes, des cousins et des cousines. Ce monde me suit dans la fin, fin d'un monde qui me laisse moi, Sàndor F., né à Paris en 1944, dans un monde en partie vide, étrangement incomplet, d'où la plupart des miens sont absents. Tout ce que je dis ici, en racontant mon histoire, moi, Sàndor F., né à Budapest en 1917, n'est que la tentative, vaine et sans espoir, de restituer, de remplacer, de restaurer, de repeupler le monde pour qu'il semble complet à nouveau.»

Il ne faudrait pas croire pour autant que le travail de Fleischer est un travail de mélancolie. Au contraire. Parce qu'un certain plaisir de la lecture (ou de la peinture, du cinéma, etc.) consiste non à s'identifier au personnage mais au geste d