Que reste-t-il des années 70 ? Que reste-t-il de l'effervescence intellectuelle où se mêlaient discussions théoriques et pratiques expérimentales, réinterprétation des classiques et exploration des arts populaires ? Dès la première page, Benoît Peeters a posé son équation : «En ce temps-là, au milieu des années 70, régnait la modernité.» Celle-ci, «telle que nous l'entendions alors, correspondait à un ensemble un peu flou qui allait du Nouveau Roman à Tel Quel et d'Althusser à Lacan, en passant par Foucault, Derrida et quelques autres. Je m'immergeais dans leurs œuvres avec un constant enthousiasme. Elles me semblaient appartenir à un même paysage […] qui m'a façonné à tout jamais.» Bref, que reste-t-il de la modernité ?
Il reste par exemple une œuvre comme celle de Benoît Peeters, écrivain, scénariste de la série des Cités obscures (avec le dessinateur François Schuiten), théoricien de la bande dessinée. Avec Ecrire l'image, Peeters retrace son itinéraire de créateur qui, dans le sillage de ses années de formation, n'a cessé d'inventer des formes, de conjuguer réflexion et création. Indice de la liberté que l'on s'accordait à soi-même en ce temps-là : après avoir travaillé sur Tintin auprès de Barthes, Peeters retourne à Bruxelles, où il trouve un milieu de la bande dessinée lui aussi en ébullition. «Le sentiment qui prévalait était que toutes les audaces graphiques étaient possibles et souhaitables.» Changement de longueur, de fo