«Il y a des civilisations du drapé et des civilisations du cousu. Un vêtement cousu recompose un corps. Contrairement au drapé, c’est un autre corps, en volume. En Inde, les femmes s’enroulent dans des saris. Quand elles les enlèvent, ils redeviennent des pièces de tissu. De même, chez les femmes berbères d’Afrique du Nord, le vêtement est une pièce de tissu qu’on plie le soir pour en faire un oreiller et qu’on redéplie le matin. Le kimono est entre les deux, mais plus proche du drapé. Il y a peu de travail de coupe, mais des superpositions d’étoffes. Dans un musée, un kimono posé sur une perche, ça marche très bien. Pour un vêtement occidental, au contraire, il faut un mannequin, sinon le corps manque.
«Avec un vêtement cousu, la relation est différente : on voit tout de suite le corps. Dans un livre intitulé Seeing Through Clothes (1978), Ann Hollander observe la peinture occidentale et en tire l'idée que le vêtement façonne le corps. Sur les portraits peints au temps des corsets, on voit que les corps, même nus, ont une taille très marquée, ils gardent l'empreinte des vêtements qu'ils ont portés.
«En passant de l'Empire romain au Moyen Age, l'Occident est passé du drapé au cousu apporté par les Barbares. A la fin du Moyen Age, nouveau changement : les hommes passent de la robe au pourpoint. Le pourpoint, une sorte de veste très ajustée, était d'abord une protection rembourrée que les soldats portaient pour ne pas être blessés par le métal de leur armure. A l'époque