On devrait être plus attentif au mazout, au camphre, à l'huître. Par exemple, l'huître, on l'avale, et puis c'est tout. On ne pense pas que, délicieuse, elle peut l'être parce que son stock chromosomique a été modifié par des variations de pression hydrostatique. Et le pétrole ? On y songe quand on s'arrête à la pompe. Qui se soucie de ce que deux composants du mazout, le camphre et l'octane, peuvent être dégradés par des fragments génétiques autonomes, les plasmides, dont on ne sait même pas qu'ils sont dispersés dans plusieurs bactéries ? Du coup, quand des chercheurs arrivent à «transférer et maintenir dans une seule bactérie, du genre Pseudonomas, quatre plasmides différents, capables de dégrader quatre composés différents du pétrole», on ne réalise pas que l'humanité «briseun tabou» et fait un pas décisif vers le paradis, ou l'enfer.
On avait la tête en l'air ! Ce sont là, en effet, les premiers exemples d'organismes génétiquement modifiés, avant celui (1988) de la «souris oncogène Harvard», cancéreuse de mère en fille. Jusqu'alors, malgré les «animaux-machines» de Descartes, tout était clair : d'un côté il y avait les «choses», brevetables, de l'autre les «personnes», et, au milieu, les plantes et les animaux, dont certains étaient éventuellement utilisables comme «outils» mais irréductibles à des «choses». Depuis, «le vivant animal a fait son entrée sur la scène du brevet», et est née la biotechnologie. En