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Libération
Critique

Vallejo, valse Trilce

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Le cahier Livres de Libédossier
Poésie. Des monts péruviens au Montparnasse.
publié le 14 mai 2009 à 6h51
(mis à jour le 14 mai 2009 à 6h51)

Le Pérou est ailleurs, mais la mort est partout. Quant à l’écrivain, comme un enfant, il la suit. Il y retrouve la consolation et l’humanité : «Mère, je pars demain pour Santiago, /me mouiller dans ta bénédiction et tes larmes.»

César Vallejo est né en 1892, à 3 000 mètres d’altitude, dans une petite ville nommée Santiago de Chuco. Sa famille est pauvre. Il a deux grands-pères prêtres, deux grands-mères indiennes. Si ce n’est pas gai, c’est réjouissant comme un destin : un gamin clos du nord des Andes, cadet d’une fratrie de onze, orphelin de richesse et de gloire, va en trois recueils de poèmes bouleverser la langue espagnole de son siècle - la bouleverser de telle manière que la révolution qu’il porte, à la fois trop formaliste et trop humaine, semble toujours à venir. La tristesse de Vallejo est aussi neuve que la colère de Rimbaud. Ce qui la porte et la rend partageuse, c’est la certitude, d’origine chrétienne, que la douleur unit les hommes jusqu’à l’amour. Un poème en prose, Je vais parler de l’espérance, résume cette profession de foi : «Je n’éprouve pas cette douleur en tant que César Vallejo. Je ne souffre pas à présent en tant qu’artiste, en tant qu’homme ni même comme simple être vivant. Je n’éprouve pas cette douleur en tant que catholique, mahométan ou athée. Aujourd’hui je souffre simplement.»

«Joli mot ?» Vallejo rejoint Paris en 1923, après des chagrins d’amour, du travail dans les mines andines, deux livres majeurs (les Hérauts n