De tous les monuments romanesques qu'édifia le XIXe siècle - et l'on sait qu'il n'en fut pas avare -, les Mystères de Paris fut sans doute le plus imposant. Il fut d'abord le plus lu. Publié en feuilleton dans le très sérieux Journal des Débats entre 1842 et 1843, il attira à lui un immense lectorat, associant hommes et femmes, bourgeois et prolétaires, socialistes et philanthropes dans l'attente fiévreuse de «la suite à demain». «Tout le monde a dévoré Les Mystères de Paris, nota Théophile Gautier, même les gens qui ne savaient pas lire : ceux-là se les faisaient lire par quelque portier érudit et de bonne volonté.» Il provoqua ensuite un énorme scandale, dont l'ampleur éclipsa toutes les autres querelles littéraires du temps : la plongée dans les bas-fonds de Paris, les crimes hideux des escarpes mais aussi d'aristocrates corrompus ou de notaires lubriques, la quête assoiffée de rédemption morale et sociale, tout cela apparut à beaucoup comme une faute esthétique et une monstruosité politique, l'une et l'autre porteuses de subversion et de «démoralisation». Le roman eut enfin une immense influence. Il fut décliné au théâtre, «en pantomime et en pain d'épices», fut réédité sans relâche et suscita surtout des dizaines d'avatars et de plagiats (Vrais Mystères de Paris, Mystères du Vieux Paris, Nouveaux Mystères de Paris, Mystères du nouveau Paris, etc.).
«Sinistres desseins». To