Voyons le malentendu. La plupart du temps, il est pris pour un pestiféré, pour un ver insidieux qui pourrit le fruit de la communication. On lui préfère même l'incompréhension, car là, au moins, les choses sont claires - alors que dans le malentendu non seulement l'un n'a pas compris l'autre, mais tous deux croient qu'ils ont saisi ce qu'il fallait saisir. C'est pourquoi il est difficile de le lever : sa vilaine présence est indétectable. A bien y réfléchir, on voit pourtant qu'il est une chance, comme l'erreur est la chance de la connaissance, en ce qu'elle l'oblige à faire retour sur soi, se corriger et progresser. Si tous nos dires étaient immédiatement «bien entendus», si on s'entendait à chaque fois «5 sur 5», il suffirait de se parler une fois, et on n'aurait rien à se (re)dire. Il en va de même pour les langues. Il en existe à peu près 6 000. Certaines sont voisines, sœurs ou cousines, d'autres totalement étrangères, séparées par des années-lumière. Aussi est-on enclin à penser que, s'il n'en était qu'une seule, claire et parfaite, dans lesquelles les choses trouveraient leur reflet exact, tout le monde pourrait se comprendre sans effort, on échapperait à la catastrophe de Babel, à la dispersion et à l'inconsolable malheur d'être condamné à la traduction, traîtresse. Eh bien, non. Cette langue unique, lambeau du rêve de la langue originelle ou Ursprache - «celle-là même dans laquelle Dieu et Adam conversaient au Paradis» - serait d'un ennui mortel, t
Critique
François Ost in translation
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par Robert Maggiori
publié le 4 juin 2009 à 6h53
(mis à jour le 4 juin 2009 à 6h53)
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