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Libération
Critique

Heurts de la traite

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Histoire. Quand la SDN enquêtait dans les bordels en 1924.
publié le 11 juin 2009 à 6h53
(mis à jour le 11 juin 2009 à 6h53)

Certaines époques ont l'orgueil de se croire atteintes d'une pathologie singulière. En ce début de millénaire, le nouveau mal du siècle, ce serait la fabrication de légendes médiatiques, l'arrogance des spécialistes, le panurgisme des politiciens. En un mot : la trahison des experts, et il y a comme un frisson à l'idée d'avoir trouvé une raison unique qui explique tous nos malheurs. Mais d'où tient-on qu'il s'agit d'une nouveauté ? Sans remonter jusqu'aux docteurs de l'Inquisition, Jean-Michel Chaumont se propose de nous raconter la «lamentable» histoire d'un groupe d'experts dont les mensonges continuent de produire leurs effets, quatre-vingts ans plus tard.

En 1924, la Société des nations (SDN) charge un «Comité spécial d'experts» de superviser une enquête internationale sur «la traite des femmes et des enfants». L'historien s'est plongé dans les archives inédites de ce comité : les comptes rendus de ses 74 séances de travail, mais aussi les éléments bruts de l'enquête, «field reports rédigés par les enquêteurs, mais aussi nombreux imprimés transmis par les autorités, des cartes géographiques, des statistiques, des cartes de visite, des photographies, des coupures de presse». Un véritable travail d'archéologie, dont le résultat dévoile les ressorts cachés d'une mythologie familière.

Par exemple : sait-on que l'expression «les petites Anglaises», devenue titre de film, vient de l'«affaire des Petites Anglaises», en 1880, qui vit la