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Libération

L’étang béni de John Cheever

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publié le 18 juin 2009 à 6h53
(mis à jour le 18 juin 2009 à 6h53)

«Cette histoire est destinée à être lue au lit dans une vieille maison par une soirée pluvieuse.» C’est la première phrase d’On dirait vraiment le paradis, bref roman qui est le dernier texte écrit par John Cheever en 1982, année de sa mort (il est né en 1912), et ce destin influe sur le ton du livre. L’humour et la délicatesse, le désespoir aussi, sont des marques de fabrique du nouvelliste américain qui fut un des principaux contributeurs du New Yorker. Il est ici question d’amour et de crime organisé, de pollution et d’homosexualité soudaine, d’un chien assassiné, d’une bagarre au supermarché et de voyance, mais l’auteur n’oublie jamais les lecteurs auxquels soi-disant il s’adresse dans la vieille maison, quand «les chiens dorment et les chevaux de selle - Dombey et Trey - s’agitent dans leur stalle», comme si c’était l’histoire qui était moderne, et ses lecteurs des êtres d’un autre temps. Les valeurs changent, sexualité et psychanalyse ne sont plus ce qu’elles étaient, «et la serveuse d’un restaurant routier qui renversait votre bière pouvait vous dire en guise d’excuse : «Oh ! C’est un lapsus».

Dans cette aventure d'un vieil homme qui lutte contre la transformation en décharge d'un étang où il adorait patiner l'hiver, John Cheever s'amuse avec émotion à changer souvent d'angle, pas tant d'un point de vue moral que littéraire. Sur le sexe, par exemple, voici une opinion du personnage : «Elle était, comme souvent les fe