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Critique

Thrace ton bac d’abord

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Initiation. Profitons de l’épreuve de philosophie pour découvrir sa scène primitive.
publié le 18 juin 2009 à 6h52
(mis à jour le 18 juin 2009 à 6h52)

Comme le dirait la psychanalyse, il y a, en philosophie, une sorte de «scène primitive». Elle est interprétée par une jeune femme, spirituelle et sagace, une servante originaire de Thrace. On ne sait pas comment elle s'appelle. On sait seulement qu'elle eut un jour un formidable rire, moqueur, irrévérencieux. C'est Socrate qui le raconte dans le Théétète de Platon. Elle rit de l'un des Sept Sages, le grand Thalès de Milet, le mathématicien, l'astronome, celui à qui a été donné pour la première fois, dit-on, le nom de philosophe. Thalès observe les astres, comme à son habitude, et a évidemment les yeux au ciel. Si bien que, ne prenant pas garde à ce qui est devant lui, tombe dans un puits, suscitant l'hilarité de la malicieuse esclave, qui ose le railler de mettre tant de passion à gagner la connaissance des choses célestes quand lui demeurent cachées celles qui sont sous son nez et à ses pieds. Et Socrate d'ajouter : «La même plaisanterie s'applique à tous ceux qui passent leur vie à philosopher.»

Du rire de la servante, la philosophie n'est pas morte. Et la branche du savoir où elle est assise n'a pas été davantage sciée par des ironies encore plus tranchantes, comme celle d'Aristophane qui, dans les Nuées, s'en prend à Socrate lui-même et le représente logé dans une nacelle, un «Pensoir» suspendu dans les airs, en train de calculer la longueur du saut d'une puce, d'étudier l'origine du bzzzzzz des moustiques et de vendre ses arguties absc