Le vendredi 25 octobre 1555, à Bruxelles, dans la grande salle d'apparat du Palais, Charles Quint abdique : «Epuisé et brisé comme je le suis, j'aurais des comptes à rendre à Dieu et aux hommes si je ne renonçais à gouverner.» Il avait tout et le soleil ne se couchait jamais sur son empire, il choisit de devenir rien et se retire dans un couvent, en Espagne, où il meurt trois ans plus tard. «Une abdication et une retraite inouïes, sans précédent, écrit l'historien Jacques Le Brun, qui bouleversèrent les acteurs, les témoins, tout l'Occident et suscitèrent pendant plus d'un siècle - et encore de nos jours - des réactions innombrables.»
Qu'est-ce qu'abdiquer ? Une réponse parcourt l'ouvrage : abdiquer, c'est le geste par lequel le pouvoir atteint sa puissance maximale, «une volonté s'exprimant sans reste», atteint sa limite, se porte à l'absolu et, ce faisant, sort de lui-même et se supprime. C'est «un coup de force»,«un coup d'Etat», un «passage à l'acte». Tout à la fois choix privé, décision politique, expérience mystique, l'abdication est le croisement de l'histoire et de la métaphysique : «le désir intime de s'effacer»,«l'aspiration au non-être»,«la force de la négation au travail en toute humanité».
«Pain».De la négativité chez Hegel à la pulsion de mort de Freud, le néant est l'un des concepts philosophiques les plus fascinants qui soient et plusieurs auteurs contemporains (Je