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arce que les filles sont toujours moins sorties de la loi que les garçons, les autorités se seraient peu intéressées à leur sort, et les historiens leur auraient emboîté le pas, arguant de la difficulté à débusquer les délinquantes derrière le générique «mineur». L'étude de Françoise Tétard, chercheuse au CNRS, et de Claire Dumas, éducatrice, balaie ces idées reçues. D'une part, elle montre la prise en compte de la différence des sexes à partir de 1850 ; désormais les filles ne sont plus incarcérées avec des majeures. La loi du 5 août ouvre cette année-là des «maisons pénitentiaires» réservées aux jeunes détenues. Ce terme englobe des mineures aux profils bien différents : les détenues par voie de correction paternelle, les condamnées à la prison et les acquittées en raison de leur manque de discernement que l'on sépare de leur famille. S'ajouteront à elles les filles malmenées par la vie, mal aimées des leurs, davantage victimes que coupables. Toutes ont en commun d'être passées devant un juge, ce qui légitime l'appellation de«filles de justice».
D'autre part, ce livre interprète le silence qui a englouti l'existence de ces filles comme l'expression de la peur qu'elles génèrent, du fait de leur rupture avec la féminité dite naturelle et de leur supposée capacité à contaminer le peuple-femme. Se prémunir de la contagion ordonne d'isoler ces marginales qualifiées de vicieuses, adjectif qui ne définit pas les délinquants rééduqués, eux, dans des colonies pénitentiaire