Les grands romans de la guerre d’Espagne sont rares et on y parle trop. Une espérance populaire circule. Chacun fait son destin, dans l’héroïsme ou la médiocrité. La parole devient la folle du logis renversé. Elle se libère, s’égare, se propage. Elle n’a plus ni lieu, ni maître, ou les a tous : elle se vit. Puis les conflits la fixent, l’incompétence règne, les maîtres reviennent et leurs tueurs éliminent l’espérance avec ceux qui la portent.
En 1939, un écrivain et homme de théâtre nommé Max Aub, exilé en France depuis la défaite républicaine, écrit le premier livre d'une série de six : Campo Cerrado. La vie d'un adolescent de Valence, devenu apprenti chez un bijoutier de Barcelone, sert de fil rouge à l'évocation de la réaction au soulèvement franquiste, dans la deuxième ville d'Espagne, le 18 juillet 1936. Il s'achève par un appel des morts. Une foule de personnages parlent sans fin de ce qu'ils vivent, pensent, veulent. Certains reviennent au premier ou au dernier plan dans le deuxième livre, Campo Abierto, qui finit par le siège de Madrid la même année.
Les deux premiers livres du cycle sont ceux où, malgré la mort, l'espérance agit. Les discussions qu'on lit ne mènent à rien, mais font rêver : quelque chose s'est joué par les mots et les corps, en Espagne, de la conscience collective et de la liberté. On l'a perdu, Aub veut le restituer. Il l'explique, en 1959, aux Lettres Nouvelles : «Mes romans sont des chroniques. J'ai voulu lai