Le 12 février 1894, en début de soirée, le jeune Emile Henry, 22 ans, entre dans la grande salle du café Terminus à Paris, au coin de la gare Saint-Lazare, et lance la bombe artisanale qu'il vient de fabriquer dans sa mansarde de Belleville. Le souffle de l'explosion est terrible. Il éventre les tables, projette les chaises, les lustres, les verres, et provoque une indescriptible panique. Vingt consommateurs sont grièvement blessés, et l'un d'eux décède peu après. Cet événement est bien connu, tout comme la vague d'attentats anarchistes dans laquelle il s'inscrit et qui déferle sur l'Europe et les Etats-Unis à la fin du XIXe siècle. Le livre de John Merriman revient bien sûr sur tous ces aspects, ainsi que sur la psychose de la dynamite qui caractérise ce moment, mais son intérêt est surtout ailleurs. En s'attachant à suivre pas à pas le destin d'Emile Henry, à reconstituer le moindre de ses gestes, il a voulu «pénétrer dans l'esprit d'un terroriste», dont l'acte inaugure selon lui les formes du terrorisme contemporain.
Polytechnique. Emile Henry n'est en effet pas un poseur de bombes comme les autres. Ni un bandit comme Ravachol, ni un pauvre hère poussé par la misère comme Auguste Vaillant, ni un illuminé de l'anarchisme comme Caserio, l'assassin du président Sadi Carnot. Henry vient d'un milieu plutôt bourgeois, il a fait d'excellentes études qui l'ont mené jusqu'à l'oral de l'Ecole Polytechnique (on l'y interroge sur les «propriété