«Mais assez parlé d'amour», c'est la dernière phrase du dernier chapitre. Il ne faut pas la prendre au mot, sinon comme queue de comète et d'ironie, puisque toutes celles qui la précèdent n'existent que pour la démentir. Assez parlé d'amour ne parle que d'amour. Il en parle tel qu'on le fait, lorsqu'on vit ce sentiment comme étant le seul possible, malgré l'âge et malgré tout. Pour se distancier de ce qu'il éprouve à travers ses personnages, Hervé Le Tellier a donné des contraintes fixes, presque sévères, à son imagination. Stendhal est à la barre, et la forme est un acte du cœur.
D’abord, il raconte au présent, avec des phrases simples, comme on creuse des canaux droits pour assécher le marais et ses larmes : sans doute l’imparfait ajouterait-il trop de sentiments aux sentiments, trop de passé au présent. Ensuite, en bon oulipien, il a bâti son roman comme l’un de ses personnages et reflet de fiction, l’écrivain Yves Janvier, le sien : en suivant les règles complexes d’une partie de dominos abkhazes. Tout cela est expliqué vers la fin par Janvier, vous n’y comprendrez pas grand-chose, c’est sans importance. Les oulipiens ont besoin de contraintes pour écrire, on n’a pas besoin de les connaître ou de les comprendre pour les lire : c’est la règle du jeu et le malentendu fertile. L’essentiel est qu’en naisse un roman d’amour simple et clair, presque à suspense, où chaque personnage, quelles que soient ses faiblesses, devient plus digne à mesure qu’il sort de s