Mo Yan est né en 1955, dans le canton de Gaomi où il situe toute son œuvre. Parmi ses influences, il cite fréquemment Garcia Márquez et Faulkner. Il lui arrive aussi de se référer au Nouveau Roman. Il était de passage à Paris en juin.
Cela a pu exister, un «paysan indépendant» comme celui de votre roman ?
Oui, c’est un personnage réel, mais son destin a été beaucoup plus tragique que dans le livre. Il a été tellement critiqué qu’il s’est pendu pendant la Révolution culturelle. Je l’ai fait mourir de vieillesse. Mais, dans la réalité, il a quand même vécu dix-sept ans après la réforme agraire. C’était quelqu’un du village de ma femme. Tous les jours, je le voyais passer devant l’école. Tout le monde l’injuriait, le battait, le traitait de vieil entêté. Moi aussi, je le trouvais méchant. Mes parents le méprisaient. Quand je me suis mis à écrire, en 1980, j’y ai repensé, et je me suis dit qu’il avait raison. Les communes populaires ont été dissoutes, la terre redistribuée. Ceux qui l’avaient frappé étaient alors revenus sur leur opinion.
Quelle était la situation de votre famille ?
Mon père était un paysan cultivé. Il lisait et savait se servir d'un boulier. Son origine sociale était : «paysans riches». Aussi redoublait-il d'ardeur et de travail, à cause de cette mauvaise origine de classe. Mon grand-père avait un terrain à peine assez grand pour retenir des crottes de lapin et, à cause de cela, nous étions traités de paysans riches. Heureusement, nous n'étions pas «propriétaires terriens», on venait juste après, et juste avant «paysans moyens». Après, il y avait les ouvriers agricoles. A l'éco