On pourrait raconter l'histoire d'Efina mais on la parlerait mal, parce qu'elle ne se raconte que dans une seule langue, celle où elle est écrite. On dirait, en morceaux et pour limiter la casse : il y a une femme et un homme qui est comédien, une lettre oubliée, puis d'autres lettres, des rencontres, des séparations, des retrouvailles. Lui a plusieurs femmes, elle a des maris et des amants, des chiens. Chacun imagine l'autre par le langage, l'adore, le délire, s'indiffère à lui, s'y ennuie, y revient. Pendant ce temps, ils vieillissent. Et c'est à peu près tout. Le reste, la beauté unique d'Efina, consiste dans les gestes d'écriture que Noëlle Revaz, pour son second roman, a su inventer. Des phrases toutes neuves et familières à la fois.
Virgule.«Une jeune femme, va au théâtre, un jeudi. Elle voit sur la scène deux hommes, deux comédiens qui entrent alternativement. L'un, avec du ventre, un escroc. L'autre, fin et calme, un notable. Quand la pièce est terminée, un acteur vient saluer et à le voir elle comprend : il était à lui seul deux hommes.» C'est le début d'Efina. Dans l'ordinaire de la première phrase, type «la marquise sortit à cinq heures», s'est glissée une petite bombe. Une virgule entre le verbe et le sujet, contraire aux bonnes mœurs de la ponctuation mais qui fonctionne à plein et inscrit la disjonction dans la chair même du texte. «Une jeune femme, va au théâtre, un jeudi.» C'est comme un empilement