Heureusement il y a les livres ! Hélas il y a les auteurs ! Car voici venir le moment le plus redoutable de la rentrée littéraire : le retour de vacances des écrivains. Nous étions bien tranquilles avec leurs livres entre les mains, dans cette relation intime et exclusive que nous entretenons avec le papier imprimé, et voilà qu’ils débarquent d’Ibiza, de Saint-Poix ou de Jullouville pour nous expliquer le comment et le pourquoi de leur œuvre. Ils vont prétendre que l’élément déclencheur de leur écriture - et quelque part le symbole même de leur création - ce fut, au choix, 1) un entêtant rai de lumière sous la porte, 2) le clapotis de l’eau contre la barque en remontant un petit affluent de la Loire, 3) une ligne de poudre sur le capot d’un coupé de marque allemande.
Beaucoup d'écrivains ne se livrent à cet exercice du commentaire qu'avec réticence. Ils préféreraient nous parler de leurs vacances, parfois même ils le font, mais alors sur ces pauvres bêtes s'abat le fouet de l'attachée de presse et de terribles invectives : «Mais tu vas parler de ta parfaite maîtrise de l'imparfait du subjonctif, bougre de salopard !»
Une bonne nouvelle au milieu de ce cauchemar : un quarteron d’insoumis s’apprête à prendre le maquis. Pas des écrivains, des lecteurs. La semaine prochaine, réunis dans un sinistre village-vacances du Var, vers Carqueiranne, des scientifiques livides plancheront sur ce thème séditieux : «Lire contre l’auteur».
C'est une initiative de Fabula, un groupe de c