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Libération
Critique

Mauvignier, sans fleur au fusil

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Traces. Un roman sur les blessures de la guerre d’Algérie, un jour de fête villageoise.
publié le 3 septembre 2009 à 0h00

La guerre sans nom porte bien le sien, puisqu'elle fut la honte et le secret de ceux qui l'ont faite malgré eux. Sa première vérité fut celle de l'humiliation. Ensuite, longtemps, «l'Algérie, on n'en a jamais parlé. Sauf que tous on savait à quoi on pensait lorsqu'on disait nous aussi on est comme les autres, et les animaux valent mieux que nous, parce qu'ils se foutent pas mal du bon côté». Ces mots sont dits après deux cents pages par Février, un personnage du sixième roman de Laurent Mauvignier, Des hommes. Non pas : de l'homme, comme aurait dit La Bruyère. Mais bien, des hommes : chacun d'eux.

Février est un appelé. Il est témoin d'une bagarre dans un bar d'Oran entre deux autres appelés, des cousins, Bernard et Rabut, dont le texte développe depuis le début les flux et reflux de conscience. Ces deux-là vivent en France dans le même village. Leur querelle s'ouvre deux fois en quarante ans, comme une plaie. Elle tient en sept répliques que l'on retrouve, dispersées et récurrentes, sèches et lancinantes, comme des élancements et des échos tout au long du récit. Voici la première : «Qu'est ce qu'il me veut, le bachelier ?» Derrière ces mots vivent leur jeunesse, leur malheur, leurs caractères et l'Algérie.

Soubresauts. L'histoire se décompose et se recompose peu à peu, difficilement, comme dans certains romans de Faulkner. Les événements viennent du dedans. Ils remontent à la surface en état second, déformés par la souffrance de ceu