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Libération
Critique

Les médailles du «mérite» font bling-bling

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Stars ou chercheurs, qui est méritant ? Le philosophe Yves Michaud traque les nouvelles valeurs d’un mot qui semble avoir perdu sa vertu.
publié le 12 septembre 2009 à 0h00

Pour évoquer son dernier livre, Yves Michaud parle de ses dernières «élucubrations». Un mérite parmi d'autres à décerner au philosophe : Michaud a de l'humour, il est aussi très modeste. Car c'est précisément de «mérite» qu'il est question dans son essai tout juste paru, où l'auteur s'emploie très sérieusement à étudier non seulement le sens de ce mot au fil de l'histoire (souvent utilisé à tort et à travers), mais surtout combien ce terme contient de fantasmes, de malentendus, et autres illusions que l'actualité vient de remettre au goût du jour. Car qui dit «mérite» dit inévitablement «évaluation» et nous voilà plongés dans ce qui a beaucoup fâché ces derniers temps (et continue sans doute) nos enseignants-chercheurs contre le projet de loi dit Pécresse…

Croix d'honneur. Yves Michaud s'est heureusement bien gardé d'entrer dans cette polémique mais la lecture de son essai devient indispensable dès lors qu'on écoute les arguments des uns et des autres sur cette réforme tant décriée. Indispensable car après deux siècles d'usage, le mot mérite n'a pas dans la société contemporaine le sens qu'il a pu avoir jadis : «Le mérite, le travail, l'effort ont fait retour dans le discours politique et dans l'opinion, explique Michaud. Il faut mériter son salaire ou sa promotion ; les rémunérations doivent être fixées au mérite et l'on promet aux élèves méritants des décorations sur le modèle des croix d'honneur du passé.»

Mais ce retour est bizar