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Libération
Critique

Crime à Palm Island

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A travers la mort d’un aborigène, en 2004, l’Australienne Chloe Hooper explore les survivances de la société coloniale
publié le 17 septembre 2009 à 0h00

Au nord-est de l'Australie, il est une île entourée d'eau cristalline, avec des montagnes couvertes de forêts, du sable blanc et fin, des chevaux sauvages, trois mille habitants et pas un coiffeur. On pourrait qualifier Palm Island de paradis tropical, mais, comme disait Rimbaud, il flotte «le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques». Les habitants, aborigènes, sont des âmes en peine plutôt musclées. Ils vont et viennent dans la fournaise où leurs ancêtres non massacrés au tournant du siècle passé furent déplacés, militairement évangélisés, comme dévitalisés. Ils sont violents, diabétiques, souvent sourds. Les Blancs ont «la loi dans la bouche», disent-ils. Le problème est qu'on est au pays où «la loi ne se rapprochait pas de la vérité, mais s'en éloignait».

Les blackfellas sont généralement saouls dès le matin. Ils pêchent, ils chassent, ils rêvent d'esprits étranges. Il est fréquent que les femmes n'aient plus les dents de devant, car elles ont pris des poings sur la gueule. Quant aux chevaux, on les monte à cru, on les épuise, on les noie : «Un cheval fut retiré dans un filet de pêche au large. Un autre, en coma dépassé, la tête dans le seau (expression de circonstance). Une jument avait été poignardée alors qu'elle était grosse. Une autre avait eu de l'acide de batterie versé sur ses plaies à vif.»

La lubie des gosses, au moment où Chloe Hooper enquête sur la mort dont il va être question, est <