Quand on veut rire de ses galimatias, on assure qu'elle parle sabir. Mais on sait que, orpheline de mère, sa langue paternelle est le grec. En Grèce elle est née - soit du côté de Milet, où Thalès, le premier, se dit sophos, sage, soit du côté de Samos, où Pythagore, le premier, se reconnaît philosophos, amateur de la sagesse. En Grèce, elle a été élevée - et même élevée jusqu'aux sommets, par Platon ou Aristote. Avec le temps, elle a appris d'autres langues, le latin bien sûr, à la Renaissance l'italien, puis le français et l'anglais, enfin l'allemand - si bien assimilé, à l'école des «trois H» (Hegel, Husserl, Heidegger), qu'on a pu la croire native de Berlin, Fribourg ou Iéna. Telle est l'histoire, ou le mythe : la philosophie ne s'ancre que dans les pourtours de la Méditerranée et dans certaines terres d'Europe. Mais la géographie ? Est-il possible qu'au cours de sa longue histoire la philosophie ait si peu voyagé ? Qu'on ne trouve trace d'elle «dans aucune de ces grandes aires culturelles constituées par la Chine, l'Inde, le Tibet, les pensées juives et arabes» ? La réponse est bien éprouvée : les Grecs, et leurs enfants, ont l'apanage de la philosophie, les autres, si grands soient-ils, possèdent des mythes, des spiritualités, des théosophies, des théologies, des poésies, des mystiques, des sagesses - où le travail de la Raison, du Logos, ne peut s'effectuer, ni «une réflexion conceptuelle digne de ce nom» se déployer.
Critique
La philo sans Grec
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Philosophies d'ailleurs, les Pensées indiennes, chinoises et tibétaines. (DR)
par Robert Maggiori
publié le 24 septembre 2009 à 0h00
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