Sur la quatrième de couverture, la parenthèse fait sourire : «Traduit de l’allemand (Japon).» Comme si le Japon était l’Amérique latine et que s’y était implantée une communauté germanique à la faveur de bouleversements historiques. Passée la surprise, il y a aussi cette question. Faut-il un dictionnaire pour lire le Voyage à Bordeaux ? Tout le roman est jalonné de mots japonais non traduits, idéogrammes jetés dans le texte telle une colonie de coccinelles sur un champ de pucerons. Finalement, on préférera l’option lost in translation, pour suivre Yoko Tawada naviguant, en rêveuse éveillée, dans les écarts comiques et poétiques que la confrontation des langues génère.
Yoko Tawada, née en 1960 à Tokyo, vit à Hambourg. Trois de ses livres ont été traduits de l'allemand, mais Train de nuit avec suspects, paru en France en 2005, l'a été du japonais et l'Œil nu (2005 également) s'est nourri d'allers-retours entre les deux langues. Le personnage central du Voyage à Bordeaux, quatrième roman traduit en France, est une jeune femme qui ressemble à l'auteur. Elle s'appelle Yuna, pense encore beaucoup en japonais et vit aussi à Hambourg. Elle a perdu son chat - «déficience rénale» -, sait reconnaître dans le port un cargo transportant des bananes et fréquente une femme plus âgée, Renée, qui fait des conférences sur Phèdre et la met en relations avec son beau-frère Maurice, établi à Bordeaux.
«Piqûre». Yuna veut apprendre