L'année dernière, dans Aristote au Mont-Saint-Michel, l'historien Sylvain Gouguenheim contestait l'importance des savants musulmans dans la transmission du savoir grec à l'Occident chrétien et s'employait à mettre en valeur le rôle de l'érudit Jacques de Venise et du monastère du Mont-Saint-Michel d'où sortirent, dès le XIIe siècle, plusieurs traductions d'Aristote. De ce point de départ, il dégageait des généralités douteuses sur la spécificité de la civilisation musulmane et de ses«schémas mentaux», et notamment linguistiques, qui ne lui auraient pas permis d'accéder à la rationalité des Grecs. «Si le terme de "racines" a un sens pour les civilisations, les racines du monde européen sont donc grecques, celles du monde islamique ne le sont pas», écrivait-il, formulant paradoxalement l'ambiguïté de son propos : que les civilisations aient des racines, rien n'est moins sûr. Tel est du moins ce qui se dégage de l'ouvrage de réponse à Gouguenheim qui sort aujourd'hui.
Sur le moment, deux pétitions de protestation avaient circulé, justifiées sur le fond, mais à la tonalité désagréablement inquisitoriale. Un appel à sanctionner Gouguenheim, professeur à l'Ecole normale supérieure de Lyon, avait même été lancé. Coordonné par Philippe Büttgen, Alain de Libera, Marwan Rashed et Irène Rosier-Catach, les Grecs, les Arabes et nous atteste qu'à un livre, si mauvais soit-il, la meilleure réponse est un autre livre. Car, tout en répondant poin