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Critique

Jeu de dominants

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Le cahier Livres de Libédossier
Luc Boltanski en appelle à la critique des institutions et des «responsables»
publié le 15 octobre 2009 à 0h00

C’est une lapalissade : la critique dérange. Elle ébranle et déstabilise ce que les institutions s’emploient chaque jour à asseoir inlassablement pour rendre la vie en commun possible. Qu’il s’agisse de contester la nature des épreuves scolaires, la législation sur les OGM ou le fonctionnement de l’administration, les mises en cause sont autant de pavés dans la mare. Et pourtant, malgré la liberté d’expression dont on nous rebat les oreilles, tout se passe comme si la critique était impuissante, presque inaudible.

Bourdieu. Le titre du dernier ouvrage de Luc Boltanski ne crée guère de surprise : l'auteur s'attache de longue date à analyser les capacités critiques et les justifications que peuvent déployer les individus dans la vie sociale ordinaire. Mais l'inflexion donnée ici est différente. En s'attachant à mettre à jour les mécanismes de la domination, il esquisse un rapprochement inattendu avec la sociologie de Bourdieu, avec lequel il avait rompu. Que reprochait-il à celui qui avait été son maître ? De s'arroger une position de surplomb de laquelle seul le sociologue peut dénoncer l'illusion dont sont victimes les dominés, qui ignorent les mécanismes qui les tiennent en bride. Boltanski n'a eu de cesse de rappeler que les individus ne sont pas dupes. Ils sont dotés de capacités critiques et argumentatives trop souvent sous-estimées. S'il maintient ses objections, Boltanski éclaire aussi les insuffisances de la «sociologie pragmatique de la critique» dont il