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Libération

Marcel et Frédéric

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Le cahier Livres de Libédossier
publié le 15 octobre 2009 à 0h00

Marcel Proust est la singulière victime collatérale de l'affaire Mitterrand Frédéric. Au beau milieu de cet embrasement, le nom et l'œuvre de l'écrivain au regard levantin ont en effet surgi comme le spectre de Shakespeare au milieu d'une fanfare. C'était vendredi dernier lors d'un «débat» entre Alain Finkielkraut et Yves Michaud, sur France Inter. Les deux philosophes agitaient sur l'ordre moral des points de vue si radicalement opposés qu'on craignait qu'ils n'en viennent aux mains. Soudain, évoquant le cas Polanski, Finkie lança : «Mais si l'on poursuit dans cette voie [de la chasse aux sorcières, ndlr], il va falloir retirer des bibliothèques ce livre au titre si effrayant : A l'ombre des jeunes filles en fleurs.» Soit le deuxième volume d'A la Recherche du temps perdu. Michaud reprit la balle au bond en se disant «sidéré» de découvrir dans le Temps retrouvé (septième volume) une phrase comme : «Parfois, quand j'étais triste, je faisais venir une petite fille.»

Vérification faite, il n'y a rien de tel dans le Temps retrouvé. Mais le volume précédent, Albertine disparue, recèle effectivement un épisode qui peut sembler ambigu. Le Narrateur vient de se faire plaquer de manière retentissante par cette garce d'Albertine ; il est si désemparé que, pour étancher son subit besoin de tendresse, il ramasse dans la rue une petite fille pauvre, l'emmène chez lui et entreprend de la bercer sur ses genoux. Puis il