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Critique

Recette de crudités

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Un philosophe et un psychanalyste se penchent sur les origines de la cruauté
publié le 22 octobre 2009 à 0h00

Bien souvent, hélas, Nietzsche vise juste : «Voir souffrir fait du bien.» On ne se l'avoue pas facilement, certes. Mais si quelque plaisir n'était pas subtilement lié au (spectacle du) sadisme, à la bestialité, à la méchanceté, à la vilenie - «cruauté et volupté, sensations identiques, comme l'extrême chaud et l'extrême froid», écrivait Baudelaire -, il n'y aurait dans le monde que bienveillance et bienfaisance. Si l'homme se réjouit donc de faire le mal, de faire mal ou de regarder le faire, il en fait presque toujours, cependant, un moyen et non une fin : la bibliothèque d'Alexandrie ne suffirait pas à accueillir les volumes où sont décrites les atrocités commises pour faire triompher une bonne cause. Cependant, parmi toutes les formes de malfaisance, il en est une qui désespère l'analyse : la cruauté - parce qu'elle semble n'avoir aucune finalité, et qu'en elle se mêlent les mystérieux raffinements du plaisir et l'ivresse surnaturelle de faire enfin «le mal pour le mal». Deux livres, qui paraissent simultanément, s'attachent à déchiffrer cette énigme. L'un est d'un psychanalyste, Jean Cooren : l'Ordinaire de la cruauté. L'autre d'un philosophe, Michel Erman : la Cruauté - Essai sur la passion du mal.

«Less». Si, dans un western, un Indien frappe d'une flèche un cow-boy, on ne dira pas qu'il y a cruauté. S'il descend de cheval et si de ses mains il enfonce plus profondément la flèche tout en fracassant le visage du moribo