Une mini-mosquée en plastique vert pendouille au bout d'un fil passé autour du rétroviseur. Le long du tableau de bord recouvert d'une moumoute orange et poussiéreuse clignote une guirlande. Le taxi noir et blanc cabossé cahote sur les nids-de-poule des rues du Caire, klaxonnant pour éviter les charrettes à ânes, zigzagant sur six files, autoradio poussé à fond sur la dernière scie chaabi à la mode. Il fait au moins 40 °C dehors, quelques-uns de plus dans la voiture. Regard hilare du chauffeur dans le miroir. «Vous connaissez cette blague ? Un Français, un Allemand et un Egyptien dissertent de la nationalité d'Adam et Eve. Beaux et sensuels, ils ne peuvent être que français, dit le Français. Non, ils sont allemands, rétorque l'Allemand, la preuve, ils sont sains et mangent des fruits. N'importe quoi ! Ils ne peuvent être qu'égyptiens, tranche l'Egyptien : ils sont à poil, n'ont pas de chaussures, pas un rond, et continuent à croire qu'ils sont au paradis !» Fou rire et embardée pour éviter un énorme trou dans la chaussée.
«Thermomètres». Les taxis du Caire sont des monuments, oscillant entre l'antiquité sur roues et le bolide fou. En 2006, l'écrivain Khaled Al Khamissi a emprunté quotidiennement l'un ou l'autre de ces 80 000 véhicules, prêtant une oreille d'abord attentive, puis fascinée, aux monologues, conversations et autres envolées verbales de leurs chauffeurs. Avant d'en tirer Taxi, son premier livre, un étonnant opus, cinquan