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Critique

Didi-Huberman rallume la lumière

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Le cahier Livres de Libédossier
Le philosophe prend ses distances avec Pasolini et Agamben
publié le 29 octobre 2009 à 0h00

L'une des trois questions canoniques à laquelle, selon Kant, la philosophie se devait de répondre, se formulait ainsi : que m'est-il permis d'espérer ? Depuis les années 70, renouant avec un pessimisme aristocratique déjà à l'œuvre chez Baudelaire, certaines franges de la gauche intellectuelle ne dissimulent pas leur «désespoir politique». C'est le cas, par exemple, du cinéaste Pier Paolo Pasolini et du philosophe Giorgio Agamben. Deux penseurs dont Georges Didi-Huberman, philosophe spécialiste de l'image, s'est beaucoup nourri, mais avec lesquels il éprouve aujourd'hui le besoin de formuler son désaccord.

Pollution. C'est à partir de 1974 que Pasolini développe son thème du «génocide culturel». Le constat est emphatique, définitif : «La tragédie, c'est qu'il n'existe plus d'êtres humains.» Une métaphore écologico-poétique va lui permettre d'exprimer cette idée avec plus de force : ce qui est en train de disparaître, note-t-il alors, ce sont les lucioles dans la nuit italienne, «à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, de la pollution de l'eau». Or, la luciole, chez Pasolini, est une image puissante et ancienne : dès 1941, il en fait le témoin, nocturne et lumineux, de l'amour, de l'intensité, de la singularité. Trois décennies plus tard, la preuve que l'humain se meurt, c'est, dit-il, que la luciole s'est éteinte.

Didi-Huberman examine ensuite le dernier ouvrage de Giorgio Agamben, le Règne et l