Les lettres échangées par Virginia Woolf (1882-1941) et son ami Lytton Strachey (1880-1932) étaient restées inédites en français. Seule une poignée de ses envois à elle ont été naguère traduits par Claude Demanuelli (Lettres, Le Seuil, 1993, édition à venir par Points au mois de janvier 2010). Ce n'est pas une correspondance d'une importance capitale, mais retrouver les deux fortes têtes de Bloomsbury donne toujours à rêver.
«Ce serait merveilleux si tu faisais irruption, […] il y aurait une chaise pour toi, de la chaleur, et de la conversation», écrit Strachey en 1908. «Trouve-moi une maison où personne ne vienne jamais. J'aime parler avec toi, mais avec personne d'autre», écrit Woolf en 1925. Quelques miettes de cet aimable commerce suffisent. Le monde civilisé n'est pas prêt de s'écrouler, il y a du feu dans la cheminée, des livres à portée de main, la Princesse de Clèves, Racine, Samuel Butler, Thomas Hardy, Dostoïevski, Sterne, Saint-Simon, Joyce et James. Lire, écrire, parler, se promener, faire du thé en rentrant, on dirait qu'ils n'ont que ça à faire, et d'ailleurs, pour Virginia Woolf et Lytton Strachey, n'est-ce pas le cas? La vraie vie, pour ces intellectuels non salariés, est débarrassée des contingences matérielles. Ils sont jeunes et célibataires lorsqu'ils échangent leur premier courrier, en 1906. C'est l'année de la mort deThoby Stephen, un des demi-frères de Virginia (pas encore) Woolf, que Lytton Strachey a bien connu à