A soixante et onze ans, Joyce Carol Oates est une femme très occupée : membre de l’Académie américaine des arts et des lettres, professeur de littérature à Princeton, elle trouve le moyen de publier deux ou trois livres par an. C’est beaucoup, trop pour certains. Elle le sait :«Pour être une personnalité littéraire, il faut veiller à ne pas publier trop souvent, lit-on dans son journal. Un roman tous les cinq ou six ans, pas davantage.» Mais voilà, chez elle, les années sont des mois. Nouvelle preuve avec la parution simultanée de deux copieux ouvrages : Fille noire, Fille blanche et Vallée de la mort.
Le premier, un roman, fouille les tensions raciales de l’Amérique des seventies, tandis que le second, un recueil de nouvelles, explore la violence domestique. De quoi entretenir l’image d’une petite dame accro à l’écriture, qui voudrait raconter le monde entier.
Malgré son côté téléfilm de l'après-midi, le titre Fille noire, Fille blanche a le mérite d'annoncer la couleur : il s'agit de dualité. D'un côté, il y a Minette, boursière de Washington, fille de pasteur ; de l'autre, Genna, issue d'une riche famille marxiste, mal revenue de la révolution psychédélique. L'une est noire, l'autre blanche. Elles se rencontrent au prestigieux Schuyler College, partagent leur chambre, pas leurs secrets. C'est que Genna est une descendante du fondateur de l'établissement. Déjà qu'elle est blanche («de cette pigmentation méprisée parce que