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Libération
Critique

Que sont mes amis devenus

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Forrest Gander croise en poète des histoires d’amour et de mort.
publié le 5 novembre 2009 à 0h00

En ami est un court roman, en fait une novella, écrit par un poète et ça s'entend dans chaque phrase. C'est un texte à la beauté fulgurante qui décrit un amour et une amitié qui finiront tragiquement. Le premier des quatre chapitres, intitulé «La naissance», est une scène d'accouchement qui a la beauté horrible d'un rêve ou d'une peinture flamande. Il commence quand la mère de la parturiente entend «les plaintes de la petite et garde les yeux sur les étriers dont la froide lueur métallique, dans son état de fatigue et d'angoisse, lui paraît autoriser la souffrance de sa fille», et s'achève de nombreuses heures plus tard, alors qu'auront coulé des flots de sang, qu'auront résonné des hurlements de terreur et qu'un enfant aura vu le jour. Des années après, alors qu'il a sans doute été adopté, chaque jour au réveil, sa mère pensera à lui.

Chacun des trois autres chapitres donne la parole à un personnage : Sarah, qui aime Lester ; Clay qui aime Sarah à cause de Lester, à moins que ce ne soit le contraire. Et Lester, géomètre, poète amoureux de Villon, qui séduit hommes et femmes et n’aime personne, surtout pas lui-même.

Quand Clay parle de Lester, il dit : «C'est parce qu'il m'attirait tellement et n'avait pas de temps à perdre pour moi que je me suis mis à voir Sarah plus souvent. On parlait de Lester. Il était notre narcotique.» Ou : «Ce qu'il m'insufflait, c'était l'horrible certitude que jamais je ne pourrais être la seule personne que maintenant je voula